On commence à s’intéresser à l’IA dans l’Église
Dans le cadre de son initiative “AI Next”, l’organisation américaine Exponential a mené une enquête nationale sur l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans les milieux chrétiens aux États-Unis. Suite à ce travail, elle a publié en 2024 son rapport (en anglais, bien sûr) : “L’état de l’IA dans l’Église” (que vous pouvez télécharger directement ici).
- L’enquête a recueilli les réponses de 663 responsables d’Église de plus de 20 dénominations et d’Églises non dénominationnelles à travers les États-Unis. Le nombre de répondants n’est pas des plus impressionnants, mais il a le mérite de dessiner les contours de l’utilisation de l’IA dans les Églises.
- Le rapport analyse en profondeur les perspectives, les utilisations, les préoccupations et les besoins de formation concernant l’intelligence artificielle (IA) dans les Églises.
- Ce genre de tendance pourrait facilement traverser l’Atlantique et atteindre nos propres Églises européennes. Pour rappel, en Allemagne, un culte a déjà lieu, entièrement conçu par IA : la présidence… et la prédication, tant sur le fond que dans sa forme ! Il serait bon d’amorcer des discussions-cadres sur le sujet.
Ce rapport est globalement favorable à l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans les Églises, tout en soulignant certains défis et préoccupations à prendre en compte.
C’est parti pour une synthèse des principaux résultats.
État de l’IA dans les Églises américaines
Adoption croissante de l’IA
- 87 % des répondants sont favorables à l’utilisation de l’IA dans le ministère à certains degrés. 13 % ne veulent pas du tout en entendre parler.
- 66 % utilisent déjà des outils d’IA pour des activités ministérielles, au moins occasionnellement, et 13 % les utilisent quotidiennement.
Principaux outils IA utilisés en Église
Les principaux outils utilisés sont ChatGPT (25 %), Grammarly (13 %), Canva Magic (10 %) et Google Gemini (9 %).
- ChatGPT (25 % des répondants) : pour la préparation des prédications, la recherche, la création de contenu.
- Grammarly (13 %) : pour améliorer la clarté et la correction des communications écrites de l’église.
- Canva Magic (10 %) : pour la conception graphique, les visuels pour les médias sociaux, les dépliants d’événements, etc.
- Google Gemini (9 %) : assistant IA pour la recherche, la génération de contenu, répondre aux questions.
- Bing.com (7 %) : pour la recherche améliorée par l’IA, trouver des ressources, générer des images.
Domaines d’application
- 27 % utilisent l’IA pour la recherche d’informations.
- 25 % pour la génération de textes ou de contenus.
- 15 % pour la génération d’images ou de graphiques.
- 8 % pour l’automatisation de processus.
- 43 % des pasteurs utilisent l’IA pour préparer leur prédication.
Les principaux domaines où l’IA est perçue comme bénéfique sont :
- Les communications (17 %)
- L’analyse de données (16 %)
- L’administration (14 %)
- La planification d’événements (13 %)
Lecture critique : quel avenir ? Doit-on s’inquiéter ?
On peut dégager quelques tendances basées sur les résultats
Forte augmentation en vue
- 87 % des répondants sont déjà favorables à une certaine utilisation de l’IA dans le ministère, ce qui laisse présager une adoption plus large à venir.
- 66 % utilisent déjà l’IA au moins occasionnellement, une proportion qui devrait augmenter au fur et à mesure que les outils s’améliorent et se spécialisent pour les contextes religieux.
Prudence et hésitation
- Comme nous l’avons vu, les responsables d’Église voient un fort potentiel de l’IA pour améliorer des domaines comme les communications, l’analyse de données et l’administration, mais son potentiel est vu comme plus limité pour l’engagement des membres (11 %), l’évangélisation (9 %) et l’enseignement (8 %). Ces réponses reflètent une prudence et une (saine) hésitation sur son rôle dans les contextes relationnels et spirituels.
Préoccupations éthiques majeures
Il existe plusieurs zones de vigilance à adopter concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans les Églises :
- Implications morales et théologiques (23 %) : L’IA soulève des questions sur son rôle dans la prise de décisions morales et éthiques dans les activités de l’Église.
- Remplacement des interactions humaines (17 %) : La crainte que l’IA ne remplace ou ne diminue les relations interpersonnelles, les conseils spirituels et la qualité des interactions humaines au sein de la communauté de l’Église.
- Confidentialité des données (14 %) : Des inquiétudes sur la protection des données personnelles et sensibles avec l’utilisation croissante de l’IA.
Besoin de formation et d’encadrement
Le rouleau-compresseur est en marche
L’adoption de l’IA dans les Églises semble inéluctable. L’IA jouera un rôle plus important dans tous les domaines mentionnés. Non seulement ceux dans lesquels elle est déjà utilisée, mais les domaines de préoccupation pourrait aussi être impactés, pour deux raisons au moins :
- L’intérêt croissant pour cette technologie.
- Le manque d’information et, surtout, de formation.
En effet :
- 55 % n’ont pas encore de politique sur l’utilisation de l’IA et 21 % supplémentaires n’en ont même pas discuté au sein de leur Église.
- Le manque d’expertise (41 %) et le besoin de formation sont cités comme les défis majeurs pour adopter l’IA.
- 49 % des répondants expriment des préoccupations éthiques élevées ou modérées concernant l’utilisation de l’IA dans les Églises, soulignant la nécessité d’une réflexion approfondie.
- 58 % jugent une formation approfondie sur l’IA nécessaire pour leur personnel, reflétant un besoin d’accompagnement pour optimiser son intégration.
Discerner, retenir ce qui est bon
L’Église oscille entre un rejet aveugle et un zèle sans connaissance. Une formation aux zones de vigilance serait la bienvenue – sur les implications éthiques, théologiques et relationnelles de l’IA.
Il serait plus que nécessaire d’encadrer l’adoption croissante de l’IA par des consignes claires, une réflexion éthique pour une intégration responsable de l’IA, en précisant les domaines appropriés et les limites à ne pas franchir. Notamment pour préserver les interactions humaines qui sont l’ADN de l’adoration, de la vie communautaire et du pouvoir de rayonnement de l’Église et de tout disciple. Pour une intelligence artificielle chrétienne !
Humbles recommandations
Nous pourrions les résumer ainsi : parler, former, prioriser, préserver (les 4 P n’étaient pas… planifiés !). Sous la conduite de l’Esprit…
- Parlons-en ensemble. Commençons par susciter le dialogue au sein des congrégations. Un débat profiterait tant aux 17 % qui n’ont aucune préoccupation éthique qu’aux 49 % qui expriment des inquiétudes.
- Formons toute la communauté. Une formation adéquate – modérée à approfondie – serait la bienvenue. Qu’il s’agisse d’un comité, d’un responsable de ministère ou de tout membre d’Église.
- Priorisons la gestion et préservons l’humain. Nous pourrions prioriser l’usage de l’intelligence artificielle dans les Églises pour des tâches opérationnelles, comme la communication, l’analyse de données, l’administration et la planification d’événements. Tout en préservant les interactions humaines pour des activités plus relationnelles et spirituelles. Cela permettrait d’exploiter l’IA de manière éthique et complémentaire au ministère, sans remplacer les interactions pastorales essentielles.
Pour aller plus loin
Exponential a consacré plusieurs épisodes de son podcast sur le sujet (en anglais).